Présentation de la 32e édition

© Raphaël

Avec Christian Langenfeld, directeur général et artistique du festival.

Afin de vous initier aux mystères orphiques, nous vous présenterons, en images et en sons, les dix concerts et les cinq conférences
programmés cette année le long de la thématique 2018 “Gradus ad parnassum”, la montée au Parnasse.

 

Vidéo
Découvrez le teaser de présentation de la programmation 2018.

 

Edito de la 32e édition

Après avoir scruté les Horizons Lointains et voyagé sur les continents et les océans, nous accosterons au pied du Mont Parnasse, l’une des demeures des neuf Muses de la mythologie Grecque, filles de Mnémosyne. Nous allons le gravir et rencontrer ses antiques habitants du 29 septembre au 21 octobre grâce aux dix concerts et aux cinq conférences que nous proposons. C’est à la base de cette montagne sacrée que se situe le Temple de Delphes consacré à Apollon, protecteur des Muses, et seul Dieu à pouvoir, par ses oracles, transmettre aux hommes les desseins de Zeus…

Le premier fils spirituel d’Apollon qui nous servira de guide tout au long de cette 32e édition n’est autre qu’Orphée, le fils de la Muse Calliope, symbole de l’alliance de la Musique et de la Poésie.

Orphée apparaît pour la première fois dans l’épopée des Argonautes en quête de la Toison d’Or. Jason fait appel à lui car il a le pouvoir de charmer et d’apaiser les hommes, les animaux voire les végétaux et les rochers par la magie de sa voix et de sa lyre. Mais Orphée est surtout connu pour être descendu aux Enfers dans l’espoir de récupérer sa jeune épouse Eurydice mortellement blessée par un serpent. Orphée réussit à attendrir Hadès, le gardien des lieux, qui les laisse regagner le monde des vivants à la condition qu’Orphée ne se retourne pas au cas où il voudrait s’assurer que sa bienaimée le suive. Mais Orphée, impatient, regarde derrière lui avant d’atteindre la lumière du jour et il perd son amour pour toujours.

Son passage dans l’au-delà marquera alors un tournant décisif dans la représentation qu’on se fait d’Orphée : il deviendra un théologien. Aux Enfers, il a découvert le secret de la vie, secret qu’il va révéler aux hommes. Ces derniers abritent en effet en eux une part divine – et donc immortelle – car ils sont nés des cendres des Titans foudroyés par Zeus pour avoir démembré et avalé le jeune Dionysos. Les initiés aux Mystères orphiques sauront ainsi qu’à leur mort, lorsque leur âme quittera l’enveloppe charnelle, ils devront boire aux eaux fraîches de la source de Mnémosyne et non à celles huileuses du fleuve Léthé, le fleuve de l’Oubli et de l’Amnésie, s’assurant ainsi une vie éternelle. Mais tout au long de leur vie déjà, les hommes devront cultiver cette part divine en pratiquant les arts des Muses afin de se purifier et d’effacer la faute originelle des Titans.

Le second fils spirituel d’Apollon, second maillon de la chaîne, dont le nom découle directement de l’oracle pythique de Delphes, est Pythagore de Samos (580-495 av. J.-C), inventeur de la philosophie et père de la musique occidentale. Pour Pythagore qui marche sur les pas d’Orphée, «les muses disent la musique universelle et sa vertu purificatrice, les espérances que fondent sur elles ceux qui en ont eu le bienfait. Elles font retentir un écho de l’harmonie des sphères» (Le culte des Muses, Pierre Boyancé).

Les maillons suivants de la chaîne ne sont autres que Platon et Aristote. La religion chrétienne se réappropriera ces grandes figures en leur attribuant un rôle de précurseurs à la venue du Christ. Et à la Renaissance, des auteurs tels que Marsile Ficin, Ange Politien ou encore Pic de la Mirandole seront les principaux représentants de l’école néoplatonicienne. La réapparition de la figure d’Orphée au 15e siècle n’est donc aucunement le fruit du hasard…

Toutes ces figures mythologiques ont été, au travers des siècles, une source inépuisable d’inspiration pour les poètes et les musiciens. Durant quatre semaines, nous allons cultiver cet art des Muses et nous proposerons à notre public une ascension du Parnasse, comme une élévation de l’âme.

En guise de prélude, dans la chapelle de la Clarté de Perros-Guirec, le rayonnant Paul O’Dette nous charmera au son de son luth Renaissance et nous révélera Le secret des Muses de Nicolas Vallet, ce compositeur d’origine française qui se sera établi aux Pays-Bas.

C’est à l’ensemble suisse Le Miroir de Musique qu’il reviendra de rendre hommage à Orphée et Apollon dans un programme imaginé par Baptiste Romain autour de la lira da braccio, cet instrument emblématique de la Renaissance qui symbolise l’art d’Orphée.

La mère des Muses, Mnémosyne, déesse de la Mémoire, est centrale dans l’œuvre de Jacopo Sannazaro, texte fondateur de la littérature pastorale de la Renaissance. Elle sera illustrée par Les Musiciens de Saint-Julien qui ont puisé dans le répertoire napolitain contemporain de l’œuvre.

Les neuf Muses seront déclinées par les neuf artistes de La Fenice dirigée par Jean Tubéry. Ils ont puisé pour cela dans l’Italie du 17e siècle, leur répertoire de prédilection. Claudio Monteverdi, Stefano Landi, Emilio de Cavalieri, pour ne citer que les principaux compositeurs, ont révolutionné la musique du premier Baroque en cherchant à imiter la musique de l’Antiquité. Ils ont tenté de reproduire la puissance émotive et envoûtante attribuée à la musique d’Orphée.

La descente aux Enfers est un thème récurrent dans l’Antiquité gréco-romaine mais inspirera également la littérature de l’époque chrétienne. La plus célèbre est celle de la Divine Comédie de Dante Alighieri. Bruno Bonhoure et Kaï-dong Luong, directeurs de La Camera delle Lacrime, ont retrouvé les musiques évoquées par le grand poète italien. Ils se sont entourés des meilleurs musiciens médiévistes pour nous les faire entendre.

A l’image d’Orphée qui a longtemps pleuré la perte de son Eurydice, Pétrarque, pour surmonter la disparition de Laure, rédigera le Canzoniere. Ce recueil comportant 366 poèmes a inspiré tous les madrigalistes du 16e siècle en quête de textes illustrant des passions fortes et contrastées. C’est l’emblématique Huelgas Ensemble dirigé par son chef Paul Van Nevel qui nous interprétera les plus beaux madrigaux.

Tant pour les initiés aux Mystères orphiques que pour les Pythagoriciens, la réincarnation joue un rôle important. L’âme peut tout aussi bien se réincarner dans un homme que dans un animal. Les Métamorphoses d’Ovide en sont une parfaite description. L’auteur ne manque d’ailleurs pas à la fin de son œuvre de rendre un hommage à Pythagore. Ce texte du 1er siècle de notre ère a connu une immense fortune puisqu’il a été lu sans interruption depuis sa publication. Les compositeurs du 14e siècle en ont été particulièrement inspirés, notamment par sa version christianisée parue à la même époque sous le titre d’Ovide moralisé. C’est l’ensemble italien La Fonte Musica qui nous donnera à entendre les œuvres de compositeurs majeurs tels que Guillaume de Machaut ou encore Francesco Landini.

Si les périodes du Moyen-âge et de la Renaissance ont encore donné une certaine profondeur philosophique aux figures de l’Antiquité, le Baroque les a surtout employées en tant qu’éléments d’ornementation. Ainsi François Couperin dans son Apothéose de Lully, fait intervenir Apollon pour réunir les deux grands styles musicaux qui se sont développés dès le 17e siècle, l’italien virtuose et le français plus délicat. Dans l’œuvre du génial Couperin, dont nous fêtons en 2018 le 350e anniversaire de la naissance, ces deux styles sont incarnés par Lully et Corelli. Apollon les mènera depuis les Champs-Elysées jusqu’au Mont Parnasse en récompense de leur génie. Cette œuvre sera interprétée par l’ensemble de Jérôme Correas, Les Paladins.

Au 17e siècle, le principal tempérament d’un instrument à clavier était le mésotonique, héritage direct de la gamme pythagoricienne privilégiant les quintes justes. L’orgue Robert Dallam en est une illustration. La Lune et le Soleil dont il est paré sont très probablement une lointaine réminiscence de l’harmonie des sphères décrite par Pythagore. L’Ensemble Les Meslanges et François Ménissier, organiste, nous interpréteront des extraits des Messes de Jehan Titelouze, père de l’orgue français, messes retrouvées en 2016

Enfin pour conclure cette édition, nous reviendrons à Orphée avec l’un des premiers opéras de l’ère baroque qui lui a été consacré : L’Euridice de Caccini composé à l’occasion du mariage de Henri IV et Marie de Médicis. Nous sommes particulièrement ravis d’accueillir l’ensemble belge Scherzi Musicali de Nicolas Achten.

Christian Langenfeld, Directeur du Festival

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